Pour tout le monde, en Occident comme en Orient, la culpabilité fleurit sur l’arbre du bien et du mal. Elle se met partout comme le chiendent, plus on la coupe, plus elle repousse.
Le karma, un mot sanskrit qu’on ne traduit plus, est devenu à la mode sous nos latitudes, ce mot magique permet de faire passer la culpabilité d’une existence dans l’autre. Si vous allez mal aujourd’hui c’est que vous portez le poids d’actions passées mauvaises, commises dans une autre vie ! C’est ainsi qu’on recycle la bonne vieille culpabilité d’origine biblique sous le prétexte d’une affinité avec des connaissances anciennes et indiscutables tirées du Vedanta.
Swamiji fait dire aux écritures indiennes exactement le contraire : personne n’a jamais rien fait de mal, ni dans cette vie ni dans une autre.
Le poids du karma est une « fake new » de plus, une manière nouvelle de renouveler la morale judéo-chrétienne en se servant d’un mot sanskrit, d’expliquer aux autres qu’ils n’auraient pas dû faire et qu’ils ont fait, c’est pourquoi ils sont punis.
Swamiji demandait à ceux qui n’étaient pas convaincus par une position aussi radicale et qui se sentaient pétris de remords :
Avez-vous agi délibérément et après avoir réfléchi ou étiez-vous emporté par une émotion ?
Un mari est venu voir Swamiji, avec l’idée de lui donner tort sur la formule personne n’a jamais rien fait de mal . Il lui a déclaré :
– J’ai trompé ma femme, je savais que c’était mal et pourtant je l’ai fait !
Swamiji lui a demandé de se souvenir de son état exact au moment où il a décidé de faire ce qu’il se reproche aujourd’hui. L’homme, au bout d’un long moment, a fini par reconnaitre qu’il s’était dit en voyant une belle femme qui lui manifestait de l’intérêt :
– Oh ! je vais gagner quelque chose. Oui, cela me fera du bien !
Cela s’est avéré « une erreur » par la suite, mais au moment où il l’a fait il a cru que « c’était bien, vraiment bien ». Emporté par son émotion, il ne pensait qu’au plaisir qu’il allait avoir et qui lui paraissait un bien supérieur à toute autre chose. Il ne s’est jamais dit : « je suis un homme mauvais. Je vais faire le mal. » A postériori, il a réécrit une histoire mensongère, qui lui permet de se noyer dans le remords :« J’ai trompé ma femme, je savais que c’était mal et pourtant je l’ai fait ! » que Swamiji a facilement démontée et remise à l’endroit.
Personne n’a jamais rien fait de mal.
Il est important d’ajouter au moment où on le fait. Notre vérité est le changement. Ce qui nous paraissait un bien peut se révéler une erreur.
C’est en faisant des erreurs que l’on apprend, que l’on augmente notre connaissance du monde et de nous-mêmes, que l’on accroit son pouvoir. Savoir c’est pouvoir.
Et voici la définition que Swamiji donne du Karma, dans un entretien avec Frédéric.
» Le mot même de karma signifie action. Quelle est la cause de l’action? Techniquement et spécifiquement, c’est le désir. Et le désir est une fonction du mental. Le mental est la concrétisation ou la manifestation d’une illusion. Cette illusion n’apparaît que lorsqu’une chose n’est pas prise pour ce qu’elle est, mais pour quelque chose d’autre.
Ainsi le mental et le karma sont une seule et même chose. La manifestation du mental est le karma ou l’action. Et là où il y a une action, il y a une réaction. Ainsi ce flux continu, cette chaîne d’actions et de réactions n’est rien d’autre que le jeu du karma. »
Autrement dit le jeu du karma c’est la loi de l’action et de la réaction.
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Merci pour cet article qui fait tellement de bien.
Dans l’absolu oui « personne n’a jamais rien fait de mal ».
J’ai tout de même du mal dans ce monde relatif à ne pas classer bien/mal.
Oui, c’est très difficile de changer de repères et voir les choses et les gens tout à fait autrement. On peut commencer par la gestion des reproches.
Faire des erreurs est la seule manière d’apprendre. Quand on s’aperçoit que telle chose était une erreur on a déjà changé on sait mieux et on a compris quelque chose de nouveau. Arrêter (ou diminuer) les reproches à soi-même et aux autres, c’est une manière de prendre conscience du changement et de la différence.
Tant qu’on continue à voir les choses sous l’angle du bien et du mal, comme des entités séparées ou des mondes étrangers l’un à l’autre, on passe à côté de la fluidité de la vie et on ne peut pas s’empêcher de faire des reproches aux autres et à soi-même. Avec quel résultat?